Voici donc en quatre parties le récit de la plus fantastique association qu'ait connu le Milieu hexagonal.
Paul Bonaventure Carbone, dit Venture, est né le 14 février 1894 à Popriano, en Corse, d'un père navigateur aux messageries maritimes. Très tôt le paternel installe sa famille dans le quartier traditionnel de la communauté corse de Marseille : le Panier. Enfant, Paul est un élève studieux et intelligent. Il obtient d'ailleurs son certificat d'études. Mais la mort de son père en 1906 vient briser sa carrière scolaire, et à 12 ans le petit Paul a à sa charge sa mère veuve et ses deux petits frères François et Jean. Il accepte alors tous les petits boulots qui lui sont proposés : vendeur de journaux, docker et marin.
Poussant dans la rue, "Venture" a les arguments pour se faire entendre : une carrure massive, un torse puissant et un cou de taureau. Cela lui sert notamment pendant les parties de dés qu'il organise avec ses amis du Panier, ou alors dans l'un ou l'autre bal de Saint-Jean où il fait le beau. À la suite d'une bagarre qui contraindera à 2 mois de repos un docker de la Joliette, le jeune Paul Carbone est repéré par les services de police. Et fatalement en 1914 il aterrit dans les Bataillons d'Afrique, autrement appelés Bat' d'Af', ce corps d'armée à la discipline féroce réservé aux fortes têtes des bas-fonds français.
Et une forte tête, Carbone en est une. Se pliant difficilement à la discipline de fer en vigueur dans les Bat' d'Af', il se retrouve souvent à la section disciplinaire. Et y gagne une myriade de tatouages aussi divers que variées sur le torse, dans le dos, sur les hanches, les omoplates, les bras... et un amusant "au plaisir des dames" au-dessus des parties intimes. Il essaiera d'ailleurs quelques années plus tard de les effacer, ces "bouzilles" se mariant mal avec son image nouvel de gangster "respectable". En attendant, la Grande Guerre arrive et envoie Carbone au feu, d'abord au Maroc puis à Verdun en 1917. Il y fait preuve d'un courage sans pareil et obtient une médaille militaire après s'être blessé au Chemin des Dames.
De retour à Marseille en 1919, Paul "Venture" Carbone s'est clairement endurci. Il reprend du service dans les messageries maritimes qu'il avait quittées en 1914 et s'en sert comme couverture pour voyager en Orient et en Extrême-Orient, sur les conseils de Joseph le Corse, un de ses cousins. Il fait passer à Marseille ses premiers paquets d'opium - de très petites quantités pour l'instant. Ces voyages sont aussi et surtout l'occasion de prendre des contacts et de repérer des points de chute dans le but de faciliter divers trafics à venir, notamment celui des femmes.
Peu de temps après il quitte les messageries maritimes et s'adonne alors pleinement au commerce des femmes. Rusé et costaud, tenant une réputation et une force tranquille évidente, Carbone se taille une place de choix parmi les souteneurs marseillais. Ambitieux, il veut s'envoler vers d'autres horizons et envoie sa "gagneuse" Lola en Egypte au début des années 20 avant de la rejoindre peu de temps après au Caire. Une ville qui, au même titre qu'Alexandrie, compte une importante communauté de proxénètes français, notamment Honoré le Fou, leur doyen, ou encore le futur caïd Dominique Paoleschi. Mais Carbone retrouve surtout au Caire Lydro, alias Françaois Spirito. C'est là qu'il se liera définitivement d'amitié avec lui.
Celui-ci est né le 23 janvier 1900 à Itri, en Italie du sud. Son enfance est plutôt difficile. Sévèrement battu par des carabiniers pour un vol de pommes alors qu'il n'a que 10 ans, il jure alors de devenir quelqu'un de craint. À 13 ans il débarque à Marseille, et se fait, dans cette jeunesse orageuse, remarquer pour des affaires de coups et blessures, d'escroqueries et bien sûr de proxénétisme.
En effet, Spirito est un séducteur. Si certains l'appellent Lydro en raison des cicatrices de variole qui lui rongent les joues, les jeunes filles lui préfèrent le surnom de "Beau Ficelle". Physiquement Spirito est d'un tout autre genre que Carbone : long et mince, distingué et d'une élégance soigné, son sourire enjoliveur fait des ravages parmi ces dames. Il aime jouer les vedettes et fait un temps le danseur mondain.
Mais derrière ce dandy qui joue les Don Juan se cache bel et bien un truand aguerri. Spécialisé dans le proxénétisme, il est l'amant d'une tenancière de maison close. C'est néanmoins pour une escroquerie au jeu portant sur 400 000 francs qu'il est pour la première fois inquiété. Sans suite. À Paris il n'hésite pas à abattre de sang froid un proxénète algérien avec qui il avait un différend. Simulant la folie, il sera transféré dans un asile marseillais avant de rapidement recouvrer sa liberté.
Spirito est aussi un aventurier dans l'âme. C'est pourquoi il partira pour Le Caire avec Angèle, dite Nina, la femme qui travaille pour lui. Et c'est à l'ombre des pyramides que naît son association avec Carbone. Les deux hommes comprennent qu'ils vont faire un bout de route ensemble et deviennent des inséparables. Une amitié de 20 ans.
Dans peu de temps la seconde partie de cette article : Des Parrains en Puissance, retraçant les évènements des années 20 : l'épopée égyptienne, l'ascenssion marseillaise et l'implication poussée du duo dans le trafic mondial de la drogue et des femmes.
Visiteur, Posté le vendredi 21 décembre 2012 08:59
Je m'appelle Juliette spirito et tu parle de mon arrière arrière arrière grand père !